Fin d’année pour les troisièmes… trop d’émotions !

Ça y est, l’année 2021-2022 arrive à sa fin. Comme à chaque fois, cela a été très dense, très lent… et en même temps que le temps passe vite ! Ces dernières semaines, je n’ai pas vu la lumière du jour : surcharge.

Pour les élèves de troisième, les moments importants s’enchaînent. Vendredi dernier, bal de promo pour la fin de d’année. Puis, hier et aujourd’hui, il y a eu les épreuves écrites du brevet. Et aussi, mais surtout, les résultats d’affectation en seconde et leur dernière journée au collège.

Avec elle, le temps de se dire au revoir. Et c’est émouvant. Je suis encore très touché en écrivant ces lignes en début de soirée.

Début de journée

La journée commence tranquillement, je surveille l’épreuve d’histoire-géographie-EMC. Vers 12 h, une collègue de mathématiques, contractuelle, pour qui j’ai beaucoup d’estime tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel, m’annonce qu’elle est admise au CAPES externe de mathématiques.

Je ne suis pas très surpris, pour l’avoir vue avec des élèves et l’avoir accompagnée lors de ses révisions. Mais je suis malgré tout très content pour elle et ému, honoré de savoir qu’elle comptera désormais dans les collègues titulaire. Alors bravo à elle, et si tu lis ce blog, toutes mes félicitation : tu le mérites très largement et l’Éducation nationale gagne à te compter dans ses rangs. L’année prochaine, tu seras probablement dans un autre établissement et tu manques déjà aux élèves.

Après-midi et résultats d’orientation

L’après-midi 13h30 – 14h30, c’est l’épreuve de sciences au brevet (SVT et technologie). Je ne suis pas de surveillance, mais j’avais des manuels à ranger et à trier donc je suis resté au collège. Et surtout, je savais que les élèves de 3e récupéraient leurs résultats d’affectation post-collège à la sortie de l’épreuve.

Je tenais donc à rester pour ce moment important. Comme à chaque fois, c’est très émouvant. Mais cette fois, c’était vraiment hors norme par rapport à mon vécu des années précédentes.

D’abord, ce n’est que la deuxième année où j’enseigne au niveau 3e donc j’ai peu de recul. Ensuite, c’est ma quatrième année dans le même collège. Et donc, c’est la première cohorte d’élèves que je suis depuis la sixième. Et les réactions des élèves sont à la hauteur.

Au bord des larmes

Nous sommes environ 15 profs, soit bien plus que les simples profs principaux en charge de donner aux élèves leurs résultats. Et c’est un mélange indescriptible : de élèves content⋅es de leurs affectation, et en même temps tristes de quitter le collège. C’est certain : ils et elles vont nous manquer.

Bon, pas tous et toutes, soyons honnêtes. Mais je ne résiste pas à un florilège des choses les plus émouvantes que des élèves nous aient dites. Pas forcément à moi, mais souvent à des collègues qui sont su tisser des liens particuliers avec certaines et certains de nos élèves.

Extraits choisis.

« Monsieur, si vous aviez pas été là pour moi cette année, je serais devenu un délinquant, je serais tombé dans le trafic c’est sûr », de la part d’un élève (passé en conseil de discipline avec exclusion définitive avec sursis), tombant en larmes dans les bras d’un collègue d’EPS, évidemment submergé par l’émotion. Cet élève a été affecté en lycée professionnel après un long et difficile travail sur l’orientation. Son meilleur ami, élève difficile également qui aime jouer au dur : « Voir Malek [ce n’est pas son vrai nom] pleurer, ça me donne envie de pleurer. »

« Madame, vous avez plus cru en moi que moi j’ai cru en moi-même », d’un élève absentéiste à une collègue d’histoire-géographie, avec qui pourtant les interactions en classe étaient parfois difficiles.

« Monsieur, si vous commencez à pleurer, je vais pleurer aussi et normalement je pleure jamais », me dit une élève que j’ai suivi en tutorat pour lutter contre le décrochage scolaire pendant un trimestre. Sa copine : « Vous allez nous manquer », fond en larme elle aussi, et je ne suis pas loin. Les deux élèves reviennent, 10 minutes plus tard : « Monsieur, on peut vous faire un câlin ? ». On est totalement en dehors du cadre, mais après tout est-ce vraiment important ?

Plus simplement, une élève avec avec son plus large sourire : « Merci beaucoup pour cette année, Monsieur. » Et pourtant, les mathématiques étaient vraiment difficiles pour elle. Une autre, la larme à l’œil : « Monsieur, vous vous souvenez en 5e, je balançais des tables en cours de musique ? ». Oui, je m’en souviens : j’étais son prof principal et j’en ai bavé. Elle était à nouveau mes classes cette année avec des progrès et un gain de maturité incroyables, en route vers la 2GT.

Sans parler de ce fameux élève qui met ses doigts dans les prises électriques. Situation scolaire très inquiétante, affecté sur son deuxième vœu. Il récupère son document d’affectation, et hurle « Ça y est, débarrassé du collège ! ». Il n’empêche, 40 minutes plus tard, il était toujours là. Et, évidemment, il est parti sur un grand bras d’honneur.

La CPE, arrivée cette année, et au moins 4 autres enseignant⋅es, submergé⋅es par l’émotion, se laissent aller aux larmes.

La beauté du métier

Alors voilà, le métier de prof est très fatigant, on a souvent l’impression de ramer. Et en éducation prioritaire, tous ces phénomènes sont amplifiés. Je sors à peine la tête de l’eau après 3 semaines de travail acharné : bulletins, conseils de classe, semaine intensive de révisions pour le brevet.

En étant en permanence débordé⋅es et en train de courir après le temps, on oublie parfois à quel point nous sommes important⋅es pour nos élèves, parfois leurs seuls repères adultes fiables. Ces moments intenses nous le rappelles à grands coups de claques émotionnelles.

Alors voilà, bonne continuation à vous. J’espère que je vous ai apporté le maximum et je suis fier d’avoir été votre professeur. Parfois, lors des discussions entre ami⋅es, nous discutons de nos enseignant⋅es et il est certain que nombre d’entre elles et eux nous ont laissé un souvenir ineffaçable.

Quand je vois vos réactions, je me dis que toute cette énergie donnée a servi à quelque chose. Et cela donne envie de continuer ce boulot pour encore longtemps ! Même si, il faut le reconnaître : vous êtes épuisant⋅es !

Revenez nous voir, vous serez toujours bienvenu⋅es.

La suite…

Il n’y a pas de mystère : si les élèves ont de telles réaction, c’est parce que cet établissement, aussi difficile qu’il soit — et il l’est —, est un lieu de vie incroyable.

Comme souvent après les moments importants, cela se termine autour d’un verre entre collègues au bar du quartier. Et une nouvelle idée est née : un voyage scolaire en redonnée vélo. Voilà de quoi occuper mon dernier week-end avant les vacances : je me documente.

Et c’est reparti…

Une nouveauté en calcul littéral

Quelle semaine ! C’est reparti après la période janvier-mars qui a été très dense, notamment avec la semaine des mathématiques et le grand jeu organisé pour la visite de CM2. J’aurais aimé rédiger un article sur le bilan de cet escape game incroyable, mais je n’ai pas eu le temps. En résumé, c’était un très bon moment, dans une période difficile pour l’établissement. Une demi-journée de synergie exceptionelle entre les adultes et les élèves. Et franchement, les dizaines d’heures de travail passées valaient le coup !

Mais ça, c’était il y a plus de deux mois. Maintenant, c’est la première semaine après les vacances, et ça commence fort :

  • brevet blanc pour les 3e jeudi (12 mai) et hier (13 mai), avec à la clé pour les profs des copies à corriger.
  • on attaque une nouvelle séquence avec les 5e, sur les nombres entiers. Avec une façon de faire de la différenciation que je n’avais jamais testée jusqu’à maintenant. Ça s’est très bien passé pour le moment, j’ai hâte de voir comment ça va continuer et je ferai peut-être un article spécifique si j’ai le temps.
  • j’ai été confronté à la gestion d’un incident étrange avec des élèves de 5e dont je suis le professeur principal. Certaines et certains d’entre eux ont apporté des œufs afin, disent-ils, de faire un gâteau pour une élève dont c’est l’anniversaire. Sauf qu’au hasard d’une situation de classe en cours de français, cette histoire d’œufs est venue à nos oreilles et nous n’avons pas encore tout démêlés. Nous sommes très attentifs et attentives à cela car il y a eu plusieurs histoires d’enfarinage des jours d’anniversaire… À suivre.
  • un magasin coopératif dont je suis membre, Coquelicoop, prépare la clôture de ses comptes et s’engage dans une profonde réflexion stratégique pour le 2e semestre 2022 et l’année 2023. Étant très investi dans le fonctionnement de la coopérative, cela m’occupe pas mal.
  • enfin, et c’est l’objet de cet article, on a attaqué la distributivité double avec les classes de 3e. Mais pas comme d’habitude.

De quoi parle-t-on ?

La distributivité double est le nom que l’on donne usuellement à la propriété suivante : « Soient a, b, c, d quatre nombres. Alors, (a+b)(c+d)=ac+ad+bc+bd). »

D’habitude, j’introduis cette propriété de deux façons différentes.

D’abord, comme une généralisation de la propriété de distributivité simple, qui s’énonce comme suit : « Soient k, a et b trois nombres. Alors, k(a+b)=ka+kb. » Puis on développe et on pose k=(c+d). Mais cela reste assez difficile à comprendre pour les élèves.

Une autre façon, plus géométrique, consiste à considérer un rectangle coupé en deux dans le sens de la longueur et en deux dans le sens de la largeur. On obtient ainsi quatre rectangles, de longueurs respectives a et b et de largeurs c et d. Et l’aire du grand rectangle est (a+b)(c+d) (longueur×largeur), mais aussi ac+ad+bc+bd (somme des aires des quatre rectangles).

Distributivité double avec un rectangle

Vous trouvez ça lourd et verbeux ? Moi aussi. J’ai donc essayé de trouver autre chose

Une idée originale (enfin, je crois)

En feuilletant un manuel, je trouve cet exercice :

Exercice 43 page 80, Mission Indigo, 3e, 2016

Je le trouve intéressant, et je me dis que cela pourrait même être exploité en introduction, en se basant sur… la multiplication posée des nombres entiers ! Mais je ne trouve aucune source pour ça, donc c’est parti ! Je fais ce que (presque) tous les profs adorent dans le métier : j’invente.

Je vous raconte comment ça se passe dans ma tête.

Papier de brouillon !

Brouillon – Étape 1

Je reprends l’énoncé de l’exercice, et je pose (3x+4)×(2x-5).

OK c’est pas mal, mais pour les élèves il y a un truc qui cloche. Déjà, il faudrait davantage d’étapes de calcul. Mais à ce stade ce n’est pas grave : c’est le brouillon du prof, on pourra ajouter les étapes plus tard.

Plus problématique : les termes constants, les termes en x et les termes en ne sont pas alignés les uns sous les autres. Il faudrait appliquer un décalage vers la gauche pour la deuxième ligne. Qu’à cela ne tienne !

Brouillon — Étape 2

C’est un peu mieux. Mais comment justifier aux élèves ce décalage ? Dire qu’on décale parce que c’est « pratique » ? Bof, j’aimerais mieux une justification mathématique.

Pourquoi effectue-t-on ce décalage, en réalité ? Pour des raisons d’homogénéité : on additionne ensemble les mêmes puissantes de x. Et finalement, c’est comme pour les multiplications de nombres entiers à deux chiffres : on « ajoute un zéro » (comme disent les élèves), et en réalité on décale d’un rang vers la gauche, pour aligner unités avec unités, dizaines avec dizaines, centaines avec centaines.

Voilà l’analogie qu’il me faut : x joue en fait le rôle de la puissance de 10 dans la décomposition décimale. Ça y est, je sais comment faire !

L’idée qui change tout ?

Si l’on pose 34×15, c’est comme ça :

Brouillon — Étape 3

(C’est un brouillon, il y a des ratures : quoi de plus normal ? 🙂 )

Et si on veut poser, plus étrange, (30+4)×(20-5) ?

Brouillon — Étape 5

C’est quand même très élégant. Et cela s’adapte très bien à (3x+4)×(2x-5). Mais en fait, il faudrait même faire apparaître le 2x×0 explicitement :

Brouillon — Étape 6

Vers l’activité finale

Mine de rien, j’ai réfléchi une bonne demi-heure. Et les figures que vous voyez sont propres et bien ordonnées, rien à voir avec le vrai brouillon. J’aurais bien aimé le montrer, mais impossible de le retrouver, je l’ai probablement jeté… C’est inévitable : les brouillons sont des œuvres éphémères. 😛

Document donné aux élèves

En fin de compte, je n’aime pas trop l’exemple avec l’expression (3x+4)×(2x-5). Je change et je remplace par (2x+3)(4x-2). Je distribue donc cet énoncé :

Énoncé distribué aux élèves

Leur première réaction, face à la question 1)a) a été : « Bah c’est logique, il faut faire quoi ? » Et ils ont eu raison, une formulation du type « Commençons par observer que… », sans poser la question eût été préférable. J’en prends note pour les prochaines fois.

Ensuite, au 1)b), c’était moins évident. Pas surprenant, car on ne pose jamais (20+3)×(40-2) de cette façon. J’avais anticipé le blocage, donc j’avais préparé un exemple avec des valeurs différentes :

Exemple projeté au tableau

J’avais totalement écrit l’exemple en avance et je l’ai projeté au tableau, car je souhaitais que les élèves voient immédiatement le résultat final, sans me voir effectuer les calculs en direct. Car cela aurait été un peu fastidieux avec les couleurs. Et aussi pour limiter au maximum le temps d’écoute passive. Je préfère une lecture et une réflexion actives s’appuyant sur un document abouti (mais rudimentaire, certes).

Quelques remarques

Vous pouvez observer que par rapport aux brouillons que j’ai montrés plus haut, il y a beaucoup de changements ! Et en premier lieu évidemment, les couleurs. Les étapes du calcul, également, sont plus détaillées.

On a bien mis 50×0 pour la multiplication et ici, le 5x joue le rôle des dizaines. Comme si x pouvait être substitué par 10. D’ailleurs, remarquez que que dans la colonne des centaines, on voit apparaître . C’est cohérent.

Pendant la séance

L’exemple ci-dessous était projeté au tableau et j’ai demandé aux élèves de l’examiner attentivement et de s’en inspirer pour (2x+3)(4x-2).

Très rapidement apparaît la question : « Pourquoi vous avez mis 5x×0 ? ». Question fort légitime, et c’est là que l’analogie opère ! On s’inspire très fortement de la multiplication des nombres entiers.

Bien sûr, les élèves m’ont fait remarquer que poser (40-3)×(50+2) est beaucoup plus long que 37×52, ce qui est vrai. À cette remarque, j’ai simplement répondu qu’ils avaient raison, mais que cela nous serait utile à titre d’étape intermédiaire pour s’inspirer du modèle en calcul littéral.

C’est un raisonnement par analogie, très utile en mathématiques.

Je laisse aux élèves 10 bonnes minutes pour analyser l’exemple et je circule dans les rangs pour débloquer les erreurs de signe, les incompréhensions sur les alignements des nombres ou des lettres, etc.

Puis, après 10 minutes supplémentaires, plus de 80% des élèves ont réussi à répondre à la question b). C’est vraiment bien car rarement sur ce chapitre, les élèves n’ont autant d’aisance sur la distributivité double.

Et après ?

La suite de la séquence est consacrée au cours, beaucoup plus classique, et à des exercices, classiques également.

Il y a quand même beaucoup de choses à tirer de cette activité, sur le plan mathématique.

  • Déjà, il est intéressant de remarquer qu’en fait, chaque ligne du calcul posé est en fait une application de la distributivité simple ! Ainsi, (4x-3)×2 = 2×4x + 2×(-3) et (4x-3)×5x = 20x²-15x.
  • On travaille énormément de compétences différentes ! Représenter, évidemment puisque nous exprimons le même calcul de plein de façons différentes. Mais aussi calculer et surtout raisonner.
  • Pourtant, il n’y a aucune démonstration ici, uniquement des jolis raisonnements élémentaires et des analogies bien pesées pour donner l’intuition (clin d’œil au génial livre Mathematica, une aventure au cœur de nous-mêmes de David Bassis, qui réhabilite l’intuition en mathématiques) des choses.

Au bilan, je suis vraiment très content de cette activité ! C’est bien la première fois que des élèves me disent que « la distributivité, c’est facile en fait ! ». Et d’ailleurs, beaucoup mon demandé s’ils « ont le droit » de poser de cette façon « en contrôle ou au brevet ».

Et ma foi, pourquoi pas ? C’est joli, propre et riche sur le plan mathématique. Mais c’est quand même assez atypique, donc attention à ne pas s’enfermer dans des méthodes trop originales. C’est fort dommage, mais les programmes laissent peu de place à la liberté et à la construction des intuitions.

Il reste à travailler les automatismes pour intérioriser la méthode et gagner en souplesse sur la technique. Mais en fait, cette façon d’aborder le sujet, intimidante à première vue, me paraît limpide et a même éclairé ma propre compréhension de certains enjeux didactiques en calcul littéral.

L’année prochaine, je ferai peut-être la distributivité simple aussi de cette façon. Je suis réellement convaincu que c’est une bonne façon de faire.

Semaine des maths 2022 : le grand jeu !

Du 7 au 14 mars 2022, c’est la Semaine des mathématiques, avec un thème particulièrement inspirant cette année : « Mathématiques en forme(s) ».

Bon, dans mon collège, on a un peu triché et on fait ça en décalé, du 14/03 au 18/03. Et pour cause, on a repris les cours lundi 7, ce qui aurait été un peu court pour s’organiser. Un peu dommage me direz-vous, mais attendez le programme !

Participation au concours Kangourou

Pour la deuxième année consécutive, des élèves du collège participent au concours Kangourou. C’est un grand classique et comme l’an passé, nous avons décidé d’inscrire les élèves sur la base du volontariat.

Concours Kangourou

L’année dernière, nous avons eu environ 100 participantes et participants. Cette année, encore plus fort avec environ 130 inscriptions (sur environ 550 élèves, si ma mémoire est bonne).

L’idée est que nous allons, pendant la journée du 17 mars — le jour du concours –, faire participer tous les élèves en même temps. Les candidates et candidats seront, exceptionnellement, exemptés de cours et passeront le concours. Cela va permettre de créer un petit événement et une émulation au sein de l’établissement.

Liaison CM2 – 6e

Là, c’est le gros événement !

Au sein des collèges, il existe une instance qui s’appelle le conseil école-collège. Son rôle est de mettre en place des actions visant à préparer l’arrivée des CM2 au collège en organisant une transition. Classiquement, les CM2 visitent le collège en fin d’année scolaire. Le schéma est simple : visite guidée du bâtiment.

Mais cette année, on change la formule et on incorpore tout ça dans la Semaine des mathématiques. Le mardi 15 mars, les cours seront banalisés pour tous les élèves (et les profs !) pendant l’après-midi. Merci d’ailleurs à la direction d’avoir accepté.

Des CM2, des 6e et un escape game

Pourquoi banaliser une demi-journée ? Parce que nous allons accueillir 3 classes de CM2, qui seront accompagnées de 3 classes de 6e. Et on fait un escape game grandeur nature dans tout le bâtiment du collège ! Avec au programme, toutes sortes d’énigmes et de jeux mathématiques.

Cela représente environ 120 élèves, qui seront répartis en 20 groupes, mélangeant des CM2 et des 6e. Chaque groupe sera accompagné par un adulte (prof ou assistant⋅e d’éducation). Et but du jeu : résoudre les 10 énigmes pendant le temps imparti.

Les énigmes vont être dispatchées à plein d’endroits dans l’établissement, et chaque résolution permet de gagner un morceau de plan du collège qui indique le lieu du défi suivant.

Une logistique de fou !

Pour préparer tout ça, évidemment, je n’ai pas été seul. Depuis plus de trois mois, je travaille avec deux collègues (CPE et professeure documentaliste) et ensemble, on a produit les contenus des défis et préparé la logistique.

Cela va mobiliser :

  • 20 adultes pour accompagner les groupes ;
  • 6 à 10 adultes effectuer des rondes dans les couloirs et s’assurer qu’il n’y a pas de problèmes techniques ;
  • le chef d’établissement et son adjoint, qui ont sympathiquement accepté de proposer qu’un passage dans leur bureau fasse partie du parcours ;
  • le pôle medico-social et le pôle administratif, où des énigmes seront proposées.

Et toujours dans le thème « Maths en forme(s) »

Pour rester en accord avec le thème, les énigmes sont — au moins en partie — en rapport avec les illusions d’optique, la géométrie fractale, l’EPS, etc. Et évidemment le plan du collège à réassembler façon puzzle.

Et comme je suis un peu un geek, j’ai même programmé quelques jeux pour navigateur Internet, auxquels les élèves devront gagner pour obtenir l’indice. Mais je ne dévoile pas tout de suite les contenus, même si je ne pense pas qu’il y aura des yeux et oreilles indiscrètes…

C’est un projet d’envergure, probablement le plus gros et ambitieux que j’ai eu à conduire depuis que je suis prof. Des heures et des heures de préparation, mais en même temps des heures particulièrement enthousiasmantes à préparer tout ça avec les collègues !

Vivement la semaine prochaine

Voilà, il reste à fignoler les derniers détails, notamment mobiliser les collègues pour les faire participer, vérifier les codes des cadenas, s’assurer que les étiquettes avec les noms des élèves sont correctes et tailler les crayons à papier pour les feuilles de brouillon.

J’ai hâte de voir le résultat, mais j’appréhende aussi un peu parce que fiiou, pas facile !

2022 en Covidland

C’est la rentrée, bonne année, meilleurs vœux, tout ça. Mais cette année, la reprise a une saveur amère d’inquiétude, de colère et de perte de repères. L’heure n’est pas aux embrassades, aux vœux de « bonne santé » ou de divers accomplissements d’objectifs personnels que l’on espère évidemment pour nos élèves.

C’est la rentrée

La Covid-19 n’en finit pas de perturber les établissements scolaires. Mais là, on sent bien que la bombe à retardement va nous exploser entre les mains. Au regard des informations qui parviennent de-ci de-là, dans mon collège, ça a l’air moins pire qu’ailleurs — pour l’instant.

Rien que lundi 3 janvier, soit le jour de la rentrée, une trentaine de situations ont été gérées par la direction, qui de toute évidence n’a le temps de faire que ça de la journée. Et les élèves semblent tomber comme des mouches les unes et les uns après les autres.

Le protocole sanitaire a été publié dimanche 2 janvier à 16 h 30 dans un article de presse payante. Au dire du ministre, c’est « pour être au plus près de la réalité ». Mais concrètement, la seule conséquence est que… les règles ne sont purement et simplement pas encore appliquées faute d’avoir eu le temps de les mettre en place !

Histoire de fignoler le tableau, un malheureux concours de circonstances fait que la demi-pension (cantine) est désorganisée par le départ de la cheffe de cuisine, qui a obtenu sa mutation.

Côté adultes, c’est encore gérable : pas trop de profs absentes ou absents, mais la vie scolaire est très impactée.

Gestes barrières

Évidemment, le masque est obligatoire pour tous et toutes, partout, tout le temps. Mais avec un public d’enfants, impossible à faire respecter en continu. Dans mes classes, j’ai eu entre hier et aujourd’hui, environ 100 élèves et j’ai noté plus de 80 occurrences de non port de masque ou de port non conforme.

Et pour les adultes, on se contente des masques en tissu dont l’utilité est sujette à caution… quand ils ne sont pas empoisonnés. Selon Olivier Veran, ministre de les solidarités et de la santé, « des capteurs de CO2, il y en a pas mal ». C’est un pur et simple mensonge : aucun des établissements avec qui j’ai pu discuter n’est équipé.

Alors on fait cours avec les fenêtres ouvertes. Toute la journée. Là, il fait assez doux en région parisienne. Mais si les températures retombent, prétendre que l’institution et ses représentants, en particulier le ministre de l’Éducation nationale, veillent à l’ouverture des écoles en considérant avant tout « la santé et la sécurité des personnels et des élèves » ne sera qu’un mensonge de plus.

Et ça commence à faire beaucoup. Un jour, la corde va lâcher et la rancœur accumulée aura l’effet d’une bombe… un peu comme la bombe épidémique qui est en train de nous exploser à la figure. On entend partout parler de mépris institutionnel envers les personnels. Et si j’y étais assez imperméable jusqu’à récemment, c’est de moins en moins le cas. D’un autre côté, comment pourrait-il en être autrement quand la personne qui représente mon employeur passe son temps dans les médias à mentir, à nous ignorer et à mettre notre santé en danger ?

Et pendant ce temps, qui se préoccupe de pédagogie ?

Les grilles de compétences : je ne m’en sors pas

Le mois d’août est bien entamé. Comme chaque année, je me remets peu à peu au travail. Objectif : préparer la rentrée et mes premières séquences de cours pour l’année scolaire qui arrive. Je n’ai pas travaillé du tout pendant juillet et je me sens d’attaque pour reprendre.

Ma question du jour porte sur les modalités d’évaluation. Il y a un grand débat au sein de l’Éducation nationale. Il porte sur l’articulation entre évaluation chiffrée (avec une échelle de notes, généralement de 0 à 20, format habituel depuis quelques décennies) et évaluation par compétences.

Fonctionnement en 2020-2021

Pendant mes deux premières années dans mon établissement, j’ai évalué de façon entièrement chiffrée. Les compétences travaillées et évaluées étaient évidemment explicitées, et à chaque devoir, évaluation et contrôle, l’élève repartait avec une note. Classique, rien de très innovant.

L’évaluation par compétences…

Les attentes institutionnelles et de nombreuses discussions entre collègues m’ont incité à basculer vers une évaluation par compétences. Concrètement, chaque item évalué (il peut y en avoir beaucoup) donne lieu à un niveau de maîtrise. À la fin, l’élève récupère sa copie avec un tableau listant les compétences évaluées, chacune assortie de son niveau de maîtrise. Il n’y a pas de note sur la copie, puisque chaque compétence est examinée indépendamment.

L’objectif est évidemment d’aider l’élève à identifier les points sur lesquels les notions ne sont pas acquises ou pas suffisamment maîtrisées.

… qui se transforme quand même en note

La difficulté est que pour remplir les bulletins trimestriels, il faut une note chiffrée. Cela tombe à pic : le logiciel utilisé propose de convertir automatiquement les compétences évaluées en notes.

J’ai donc fait le choix, pour cette année de bascule :

  • d’utiliser cette fonction de conversion niveaux de compétences vers note chiffrée ;
  • de ne pas intervenir sur les notes obtenues et de ne même pas les regarder (mon objectif étant de me détacher de la note pour regarder uniquement les compétences) ;
  • de ne pas indiquer la note sur la copie ; les élèves peuvent en prendre connaissance en regardant directement depuis leur espace utilisateur sur le logiciel que nous utilisons.

Bilan de l’opération

Je suis mitigé. La création de grilles de compétences est un vrai apport pour mieux fixer mes objectifs d’apprentissage. Et de toute évidence, c’est un vrai bénéfice pour expliciter les critères d’évaluation. Mais les élèves sont encore très attachés à leurs notes, et j’ai l’impression que l’évaluation des compétences est encore plus subjective qu’une note chiffrée. Sans compter le véritable marasme pour choisir, sur un exercice donné, quelle(s) compétence(s) évaluer ! C’est parfois très difficile car de nombreux exercices peuvent être abordés avec plusieurs stratégies différentes et cibler certaines compétences à évaluer enferme l’élève dans un attendu qui me pose réellement problème.

Je n’ai pas eu l’impression que les élèves aient davantage travaillé qu’avec une évaluation chiffrée ; mais ils ne travaillaient pas moins non plus…

Du point de vue de l’efficacité des corrections de copies, le résultat est sans appel : corriger en évaluant les compétences est nettement plus rapide et transmet beaucoup plus d’informations à l’élève. En effet, ce qui en évaluation chiffrée doit faire l’objet d’un commentaire écrit (par exemple « Les règles de priorités des opérations ne sont pas acquises ») devient simplement un niveau de maîtrise fragile ou insuffisant sur l’item considéré. Cela permet de gagner du temps et de la précision, et donc d’annoter les copies avec des commentaires plus généraux en termes de méthodes, de progrès observés, etc.

Autre aspect, qui devient essentiel en ces temps de catastrophe écologique : les évaluations par compétences, ça consomme du papier. Beaucoup de papier. Et pour cause : chaque évaluation doit être accompagnée d’un tableau imprimé avec les compétences évaluées.

En fin de compte, je suis partagé sur les bénéfices de cette modalité d’évaluation. Comme c’était la première année, je reconduis pour 2021-2022, en essayant de tirer des enseignements de cette première année de test.

Et en 2021-2022 ?

Je vais reconduire ce même mode d’évaluation, en essayant de le rendre plus efficace. Aussi parce que je me dis qu’une seule année de pratique, ce n’est pas suffisant pour se faire une vraie idée.

La taille de la grille de compétences

Il y a des adaptations à faire, et c’est là que je me retrouve bloqué. La première, c’est que la grille de compétences est longue. Vraiment très longue : plus de 70 items en troisième, et plus de 50 en cinquième. C’est donc une grosse usine à gaz. Le problème est que je n’arrive pas à réduire cette grille ; lorsque j’essaye de regrouper des items, ou d’en simplifier certains, je m’aperçois que j’en ai besoin.

Pour celles et ceux que cela intéresserait, voici ma grille de compétences (c’est un tableur).

Donc il est difficile de réduire la grille. Sauf que cela a des conséquences bizarres, par exemple avec certaines compétences qui ne sont évaluées qu’une fois ou deux dans l’année, et d’autres qui sont évaluées plusieurs fois par mois (par exemple, la compétence « Justifier ses réponses »).

Comment évaluer les exercices ouverts ?

Une autre question se pose, avec certains exercices qui peuvent être résolus de multiples façons différentes. Lorsque la grille de compétences est distribuée, elle cible les compétences évaluées. Si une production d’élève propose une solution différente, mais valide, la compétence ne sera pas réalisée. Pourtant, l’élève aura sans nul doute réussi l’exercice, en mettant en œuvre des raisonnements originaux, en faisant preuve d’initiative : bref, exactement ce que l’on attend en mathématiques.

Voilà donc un effet pervers étrange : l’élève faisant preuve d’originalité se retrouverait pénalisé parce que les compétences évaluées ont un effet « carcan » pour le moins détestable ! À l’inverse, avec une évaluation chiffrée, l’élève qui proposerait une solution originale aurait l’essentiel des points à l’exercice, et on peut annoter la copie pour apporter un éclairage sur la méthode attendue.

Or, il s’avère que je donne beaucoup d’exercices ouverts à mes élèves. Vraiment beaucoup. Et pendant toute l’année 2020-2021, cela a été une difficulté. Je pense avoir une idée de solution, mais qui n’est pas satisfaisante non plus…

Mélanger évaluations par compétences et évaluations chiffrées

Pour les petits exercices en classe, les devoirs maison et les interrogations de leçon, c’est facile : on évalue toujours une, deux ou trois compétences au maximum donc le choix des items évalués ne pose pas de problème.

Et c’est très favorable à la progression des élèves, qui identifient plus facilement leurs points faibles et leurs réussite.

Pour ce que j’appelle les contrôles (dans le jargon, on dit évaluation sommative), c’est plus difficile car la liste de compétences peut être longue, une compétence peut être évaluée sur plusieurs exercices différents, et les compétences peuvent s’entrechoquer. J’envisage donc de noter de façon chiffrée pour les évaluations, et par compétences pour le reste…

Pas génial, loin de là, mais cela se défend :

  • pendant la phase d’apprentissage, j’évalue les compétences pour que les élèves sachent où ils en sont, et moi aussi ;
  • lors de l’évaluation sommative, c’est l’heure du bilan : on fait la synthèse et on regarde où l’on en est ;
  • le brevet est lui-même évalué de manière chiffrée.

Pour le niveau cinquième, rester sur du « tout compétences » est viable et je vais essayer de m’y tenir. Mais en troisième, je pense que le mélange compétences/chiffrée est un bon équilibre. Je vais quand même continuer à indiquer les compétences évaluées à titre informatif.

Pourquoi ce n’est pas génial

Déjà, mélanger les modes d’évaluation, cela ne peut pas être parfait. Ensuite, il faut savoir que pour le brevet, seules les évaluations de compétences comptent pour ce que l’on appelle le bilan de fin de cycle. Cela voudrait dire que les évaluations sommatives seraient amenées à ne pas compter pour le brevet, ce qui est absurde…

Il faut encore que je réfléchisse à ce point. Mais l’évaluation est un sujet épineux, et je dois l’admettre, plutôt pénible. Je passe un temps considérable à me demander comment évaluer, si telle évaluation est pertinente, comment diminuer la part de subjectivité, comment lutter contre la constante macabre. Cela fait beaucoup de temps dépensé, beaucoup d’énergie, de débats entre collègues et de nœuds dans le cerveau… Tout ça pour au final évaluer des travaux. Alors que tout ce temps aurait pu être utilisé pour concevoir des exercices, inventer des activités ou étudier la didactique.

Comme si les profs (et les élèves !) avaient sans arrêt besoin d’évaluations gravées dans le marbre pour connaître les points forts, les difficultés et les points faibles de leurs classes. Lorsque je suis devant mes élèves, rapidement je les connais, et il n’est pas besoin d’évaluations, chiffrées ou par compétences, pour le savoir. Et, j’en suis persuadé, les élèves aussi ont conscience de leurs réussites et de leurs échecs, il n’est pas besoin de leur mettre sous le nez sans arrêt ! Nous serions toutes et tous plus sereines et sereins avec davantage de place mis à l’intelligence, au plaisir d’apprendre à l’accumulation de savoir, plutôt qu’à des questionnements, doutes et même parfois inquiétudes, relatifs à l’évaluation.

L’incident grave de trop

Attention — Cet article est le témoignage tout frais d’une situation vécue aujourd’hui, pendant un cours. La lecture peut être difficile par moments, et je cite fidèlement des propos tenus par un élève, potentiellement choquants de grossièreté.

Enseigner en REP, zone sensible, zone prévention violence, c’est parfois difficile. La situation sanitaire ne simplifie rien, de même que les dramatiques événements récents ayant eu lieu à Vitry-Sur-Seine dans un collège tout près de celui où j’exerce.

Un peu de contexte

Il s’est passé des choses graves, dans mon collège aussi. Avant les vacances, un collègue enseignant a été agressé par un élève. Aucune séquelle physique, mais tout de même un gros choc et 10 jours d’arrêt de travail. Le chef d’établissement a également été agressé par le même élève, et a été arrêté une semaine, autant sous le choc. Depuis, le même collègue enseignant a été de nouveau agressé deux fois.

La violence fait désormais partie du paysage quotidien, au collège. Et elle est protéiforme : verbale, physique, symbolique aussi. Le mépris affiché par l’institution ne saurait être relaté ici sans que je risque de sortir de mon devoir de discrétion.

Et aujourd’hui, il s’est encore passé quelque-chose de grave. Moins grave que le reste, certes. Mais tout de même. Et cette fois, c’était à mon tour.

Un élève difficile, dans une classe difficile

Il s’agit d’une « classe difficile », comme on dit chez nous. L’ambiance y est très tendue, l’agressivité entre les élèves et envers les adultes y est omniprésente. Il est très difficile de trouver une place apaisée pour les apprentissages. Une heure de cours est littéralement épuisante.

Des relations humaines compliquées

Et dans cette classe difficile, il y a un élève difficile. Appelons-le Julien (ce n’est évidemment pas son vrai prénom). Il est très colérique, explosif même. Les relations avec les pairs sont très compliquées, car les autres élèves ne le comprennent pas. Il crie, fait du bruit, se met en colère ou boude de façon totalement imprévisible. Julien ne réussit pas à rester calme, il s’agite sans cesse, parle à voix haute sans parvenir à se canaliser. Il interpelle et invective ses camarades et fait preuve d’agressivité. Il les injurie, souvent. Leur crie dessus et les montre du doigt en leur faisant des reproches. Parfois fondés, car vraiment, les autres élèves ne comprennent pas comment Julien fonctionne.

Ses relations avec les adultes sont également très tendues. Car Julien se sent toujours victime d’injustice, pense que les adultes lui en veulent. Et il faut se rendre à l’évidence : Julien ne respecte pas les règles de la classe, et pas non plus les règles de vie dans une collectivité. Il est donc très souvent rappelé à l’ordre, puni (par les enseignants ou les membres de la vie scolaire), voire sanctionné (décision du chef d’établissement ou de son adjoint).

La scolarité, les apprentissages, les cours

Scolairement, Julien est en échec. Ses fournitures de travail sont dans un état déplorable, on devine qu’un ou une psychologue aurait quelque-chose à dire à ce sujet. Julien ne participe pas aux activités données en cours, ne recopie pas ses leçons. Et donc n’est pas en réussite, ce qui le met en colère, voire le révulse. Il en veut aux adultes, il en veut à l’institution scolaire. Peut-être a-t-il raison, je ne sais pas.

Fréquemment, Julien est exclu de cours pour des propos outranciers, des perturbations incessantes et des attitudes provocantes qu’il est très difficile de gérer. Et bien sûr, Julien ne respecte pas les gestes barrières en ces temps épidémiques. Il n’est pas le seul élève dans ce cas, certes. Mais il s’avère que Julien parle sans arrêt à très haute voix et est toujours retourné vers ses camarades pour les invectiver. Sans masque. Parfois, et même souvent, il tousse, éternue, se racle la gorge sans mouchoir.

Et aujourd’hui, la fois de trop

Julien avait cours de mathématiques avec moi, ce matin. Dès le couloir, il était déjà agité et grossier (depuis ma salle, j’entendais « Bâtard ! » répété plusieurs fois). Julien, avec ses camarades, entre en classe.

Puis il me demande, ou plutôt il exige, la permission d’aller à l’infirmerie. Julien n’a pas l’air moins en forme que d’habitude, donc je refuse. Il insiste, et je refuse à nouveau.

Mais cette fois, il est sorti de ses gonds encore plus que d’usage. Et les injures sont sorties : « Vous êtes un ouf. De toute façon, vous vous en foutez de la santé de vos élèves ! Vous pensez qu’à votre salaire ! » Puis diverses variations autour de « Allez vous faire foutre ! », et même « Va te faire enculer ! ». Avec l’habitude, j’ai appris à ne rien prendre personnellement, et à ne pas trop hausser la voix dans ce genre de cas.

Forcément, je dois l’exclure de cours. Mais Julien refuse de quitter la salle. « Je m’en bats les steaks, vous êtes un ouf ! » Il finit par se lever pour sortir, puis change d’avis et se rassoit. Puis il met ses pieds sur la chaise à côté de la sienne, pour pouvoir s’allonger sur son manteau. « J’en n’ai rien à foutre, vous êtes un ouf ! Ça me casse les couilles ! »

Je demande à une élève de la classe de descendre chercher un ou une autre adulte pour faire sortir Julien de la classe. Quelques minutes après, un adulte arrive et nous parvenons à persuader Julien de quitter le cours. En partant, il met un violent coup de pied dans la poubelle, renverse son contenu au sol, refuse de le ramasser. Puis il a quitté la salle en continuant à proférer des injures.

Et ensuite ?

La séance s’est terminée, aussi bien que possible. Mais la situation est vraiment compliquée. Un peu plus tard dans la journée, Julien développe des symptômes de type Covid. Et il est décelé comme étant cas contact.

Ayant passé la matinée à hurler sans porter le masque, il y a là de quoi être préoccupé. Et moi, j’ai refusé de le laisser aller à l’infirmerie. Ce soir, je vais aller me coucher avec mes doutes et mes craintes. Sans pouvoir compter sur l’institution pour me soutenir.

Il m’empêche, rien ne peut excuser qu’un ou une élève tienne de tels propos, dans de telles proportions. Et c’est récurrent chez Julien. Avec toute la peine du monde, avec mes doutes, j’ai donc demandé à mon chef d’établissement de convoquer un conseil de discipline. Je ne sais pas, à l’heure actuelle, quelle suite a être donnée à cette demande.

Un peu d’optimisme, tout de même !

Je ne souhaite pas tomber dans la caricature ! La situation décrite ici est extrême. La plupart de nos élèves, même si les difficultés sont réelles, n’ont pas ces comportements. On leur enseigne des choses, de notre mieux. Et ça avance.

Et il y a des supers projets ! L’atelier MATh.en.JEANS est une belle réussite, le concours d’énigmes proposées à l’occasion de la semaine des mathématiques est encore un franc succès. Et nous avons eu près de 100 participations pour le concours Kangourou, ouvert à l’ensemble des élèves du collège sur la base du volontariat. Et ce projet tutorat, qui nous permet de rattraper un par un nos élèves en décrochage scolaire, une vraie merveille ! Même en REP, zone sensible, zone prévention violence, on arrive à faire des belles choses.

Mais pour que cela continue, il va falloir que l’école se donne les moyens de ses ambitions. On ne peut pas enseigner sans adultes pour encadrer, surveiller, instruire, orienter, soigner parfois.

Trois épreuves, trois copies blanches

Mardi et mercredi, nos élèves de 3e sont en brevet blanc. Deux épreuves le mardi (français et mathématiques), et le mercredi, c’est un peu plus compliqué. La matinée du mercredi commence avec l’épreuve d’histoire-géographie-enseignement moral et civique, puis s’enchaîne avec l’épreuve de sciences.

En principe, au brevet, l’épreuve de sciences dure 1 h et contient deux matières parmi SVT, physique-chimie et technologie. Pour le brevet blanc que nous avons organisé en interne, nous avons interrogé les élèves sur les trois disciplines, avec trois épreuves consécutives (et indépendantes) de 30 minutes chacune.

J’ai surveillé un groupe de 22 élèves pendant qu’ils passaient l’épreuve. Et j’ai été absolument affolé de voir que sur ces 22 élèves, ils ont été assez nombreux (5, 6 élèves environ) à rendre, sur les trois épreuves, trois copies blanches.

Je suis sidéré : comment a-t-on pu en arriver là, après 10 ans de scolarité ? La question du sens donné à l’évaluation et à nos enseignements se pose très sérieusement. Et elle ne saurait être découplée du cadre social dans lequel vivent nos élèves. Elle ne saurait non plus être découplée des désastreuses conditions de scolarité qui leur sont imposées.

Sur ce, au boulot : j’ai encore 25 copies (de maths !) à corriger. Pour le moment, aucune copie blanche n’est à déplorer… Même si certaines sont très clairsemées.

La fin du cartable en ligne

Les espaces numériques de travail

Le cartable en ligne (CEL) est un espace numérique de travail (ENT). Dans les établissements scolaires, il est en général fourni par la collectivité locale de rattachement (département pour les collèges, région pour les lycées). L’ENT consiste en un ensemble d’outils numériques et de logiciels, pour accompagner la scolarité des élèves et fournir des supports de travail aux enseignants.

Les outils proposés

Dans le Val-De-Marne, département où se situe mon collège, l’ENT est le cartable en ligne. Il y a vraiment beaucoup d’outils proposés, par exemple :

  • calendriers partagés ;
  • des logiciels de cartes mentales ;
  • des CMS pour créer des sites Internet ;
  • des outils pour créer des activités numériques à destination des élèves ;
  • de quoi rédiger des documents partagés ;
  • une instance Moodle ;
  • un webmail ;
  • etc.

Il y a aussi (et surtout, en ce qui me concerne) une instance ownCloud. C’est le seul service que j’utilise vraiment de façon intensive pour synchroniser mes documents. En effet, je prépare presque toujours mes supports pédagogiques à domicile. Puis je les utilise en lecture ou vidéoprojection en classe.

Et pourtant…

Il y a beaucoup de choses dans le CEL et c’est vraiment très riche ! Malheureusement, il faut bien le reconnaître, c’est très peu utilisés par les élèves et par les enseignants (moi y compris, je ne blâme personne !). Je ne me lancerai pas dans une analyse des raisons, mais les faits sont là : le CEL est un échec. Le département a donc décidé, à compter de février 2021, de procéder à l’« extinction du cartable en ligne ». Cette démarche s’inscrit dans une volonté plus large de revoir la façon dont est gérée l’informatique dans les établissements scolaires, avec notamment l’externalisation des serveurs (qui jusqu’à maintenant sont administrés à l’intérieur de l’établissement).

En février, que va-t-il se passer ?

La volonté du département d’amorcer une réflexion sur l’informatique et le numérique dans les collèges est louable, mais je ne suis pas certain que procéder à des changements aussi importants en plein milieu d’année scolaire (surtout 2020-2021 !) soit très judicieux. Parce que mine de rien, l’arrêt du cartable en ligne va coïncider avec le formatage des ordinateurs avec perte des données, locales ou en réseau. Et comme il n’est pas possible d’utiliser des clés USB pour des raisons de sécurité, une grosse catastrophe en termes de pertes des documents est à craindre.

Remplacer ownCloud ?

En ce qui me concerne, cela soulève tout de même une difficulté. Comme je l’ai écrit, je me sers intensivement de l’instance ownCloud pour synchroniser tous (oui, tous) mes documents de travail. D’ici février, je vais donc devoir trouver une solution de repli, et à l’heure actuelle, je n’ai pas d’idée satisfaisante.

Le fonctionnement par clés USB interposées n’est pas gérable au quotidien, j’ai déjà essayé. Et de toute façon, on ne peut pas brancher de clés USB sur les ordinateurs dans le collège. La seule solution qui corresponde à mes habitudes de travail est un cloud quelconque. Et tant qu’à faire, j’aimerais mieux éviter Google, Dropbox et leurs amis.

Donc voilà, rapidement il va me falloir une solution pour synchroniser mes documents. Je vais peut-être utiliser la « prime d’équipement informatique » que le ministère a inventée, afin de payer un hébergement quelque part, puisque c’est fait pour. Mais cette prime n’a décidément de prime que le nom, il s’agit plutôt d’une indemnité.

Le travail amorcé par le département pour revitaliser l’informatique et le numérique dans les collèges ne peut pas être critiqué sur le principe. Mais il ne pourra porter ses fruits qui si des enseignements sont tirés de l’échec du CEL. En l’absence d’une analyse poussée et proche du terrain pour en comprendre les raisons, un changements d’outils ne pourra pas à lui seul améliorer les choses.

Et les « femmes de ménage », elles sont combien ?

Article court : simple retranscription d’une brève discussion avec deux élèves de 3e. Le contexte : les cours on repris lundi dans le marasme le plus total, avec un protocole sanitaire qui n’a de « renforcé » que le nom.

Alors dans un couloir, deux élèves se questionnent sur le nettoyage des bâtiments en temps d’épidémie. Je suis à côté et on engage la discussion.

« Je vous entends discuter de l’entretien du collège. Est-ce que vous savez ce qu’il y a à faire en temps normal ?
— Il faut laver par terre dans les salles, et aussi essuyer les tableaux.
— Vous êtes sûres que c’est tout ?
— Euh, ben oui… Ah non, il y a les couloirs aussi. Et la salle des profs, le gymnase, le CDI.
— Et aussi les toilettes », ajoute la deuxième élève. « Monsieur, je vous jure c’est archi sale dans les toilettes.
— J’en ai conscience, les filles. Mais vous savez, il y a aussi les bureaux de la vie scolaire et de l’administration, les tables à nettoyer régulièrement avec du produit, passer le balai dans les escaliers. Et en ce moment, avec l’épidémie, il faudrait en plus désinfecter toutes vos tables, les poignées de portes, la cantine.
— Ah oui c’est vrai ! Mais les femmes de ménage, elles ont le temps de faire tout ça en une journée ?!
— Elles n’ont pas toute la journée, parce que de 12 h à 15 h 30, elles sont dans la cantine pour servir les repas et ensuite nettoyer vos tables, vider les poubelles, laver le sol, etc. Vous savez, elles commencent à 6 h 30 le matin et à 8 h les cours commencent donc il faut que les salles soient propres.
— Mais elles sont combien pour faire tout ça ?! Monsieur, c’est impossible en une seule journée, elles doivent être au moins 25 ou 30 !
— Ah non, elles ne sont pas 25…
— Alors combien ?
— Normalement, elles sont 5. Mais actuellement elles ne sont que 4 parce qu’une d’entre elles est malade. Et à partir du premier janvier 2020, elles sont 4 définitivement parce qu’il y en a une qui part à la retraite et qui ne sera pas remplacée.
— Ouais mais c’est chaud ! Comment elles font pour tout nettoyer et respecter les règles avec le Covid ? »

On se pose tous et toutes la question…

Début d’année… perturbant

Quelle rentrée ! C’est le moins qu’on puisse dire. Aujourd’hui, billet court. Et je vais râler, parce que cette fois c’est clair : je suis en colère.

À la rentrée, encore deux postes d’enseignants non pourvus : un poste en espagnol et un en mathématiques. Les deux collègues sont arrivés cette semaine. Et comment se passe l’arrivée des contractuels ?

« Bonjour, je suis le chef d’établissement : voici votre salle, vos clés, votre code pour photocopier. Et aussi votre emploi du temps, vos listes d’élèves. Votre premier cours a lieu dans 30 minutes. »

Comment l’Éducation nationale peut-elle accepter autant de maltraitance vis-à-vis de ses personnels ? Comment peut-on accepter de laisser les élèves pris en charge avec un tel niveau d’improvisation ?

Et ce n’est qu’un échantillon.

  • Depuis la rentrée, il n’y a pas de secrétariat à la direction pour cause de départ de l’ancienne secrétaire, non remplacé pour le moment. Qui saisit les dossiers d’inscription des élèves ? Qui gère le suivi administratif des familles ? Circulez, y a rien à voir.
  • Une agente du service général (personnelle d’entretien, donc) est en arrêt de travail jusqu’au 30 septembre, sans remplacement possible. Oui, il y a une épidémie, mais circulez, y a rien à voir.
  • L’ARS rappelle que le port du masque est obligatoire pour tous, partout, tout le temps. Les salles sont étouffantes, impossibles à ventiler, et les élèves sont tous serrés ? Nos élèves, parfois, ont le même masque chirurgical depuis 3 jours ? Circulez, y a rien à voir.
  • L’ARS encore. Puisque tout le monde porte le masque tout le temps (sauf en cours d’EPS — éducation physique et sportive), « le risque de fermeture de classe est minime. Des personnes ne pourront être considérées comme cas contact uniquement s’il y a eu un cours d’EPS dans les 48 h qui ont précédé un test positif et s’il y a eu des contacts prolongés ». Ces gens sont des Tartuffe. Mais circulez, y a rien à voir.
  • Le port du masque est quasiment impossible à faire respecter par tous les élèves pendant toute la journée : c’est une honte et un scandale d’imposer cela à des enfants de 11 à 14 ans, et de prétendre que ce soit facile. Rien n’a été fait pour accompagner les établissements, rien que de la poudre aux yeux et des gesticulations à la télé pour sauver les apparences. Cirulez, y a rien à voir.
  • Contradiction encore : une collègue CPE (conseillère principale d’éducation, un poste-clé dans la gestion des élèves) a été absente toute la semaine car elle a été en contact avec un cas positif… mais à l’extérieur de l’établissement. Tout est normal, circulez y a rien à voir.
  • Les sorties pédagogiques et voyages scolaires sont annulés jusqu’à nouvel ordre. Par contre, s’il y a des cas positifs dans l’établissement, rien ne se passe (cf. mon point précédent). Mais circulez, y a rien à voir.

Voilà pour la « rentrée normale » tant vantée par le ministère. Alors voilà, c’est un billet d’humeur. Mais je suis en colère, je suis inquiet et je me sens humilié, insulté et méprisé par le discours de l’institution.

Heureusement que l’on a encore des élèves pour parler un peu d’enseignement et de pédagogie, une fois de temps en temps.