Fin d'année pour les troisièmes… trop d'émotions !
Ça y est, l'année 2021-2022 arrive à sa fin. Comme à chaque fois, cela a été très dense, très lent… et en même temps que le temps passe vite ! Ces dernières semaines, je n'ai pas vu la lumière du jour : surcharge.
Pour les élèves de troisième, les moments importants s'enchaînent. Vendredi dernier, bal de promo pour la fin de d'année. Puis, hier et aujourd'hui, il y a eu les épreuves écrites du brevet. Et aussi, mais surtout, les résultats d'affectation en seconde et leur dernière journée au collège.
Avec elle, le temps de se dire au revoir. Et c'est émouvant. Je suis encore très touché en écrivant ces lignes en début de soirée.
Début de journée
La journée commence tranquillement, je surveille l'épreuve d'histoire-géographie-EMC. Vers 12 h, une collègue de mathématiques, contractuelle, pour qui j'ai beaucoup d'estime tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel, m'annonce qu'elle est admise au CAPES externe de mathématiques.
Je ne suis pas très surpris, pour l'avoir vue avec des élèves et l'avoir accompagnée lors de ses révisions. Mais je suis malgré tout très content pour elle et ému, honoré de savoir qu'elle comptera désormais dans les collègues titulaire. Alors bravo à elle, et si tu lis ce blog, toutes mes félicitation : tu le mérites très largement et l'Éducation nationale gagne à te compter dans ses rangs. L'année prochaine, tu seras probablement dans un autre établissement et tu manques déjà aux élèves.
Après-midi et résultats d'orientation
L'après-midi 13h30 - 14h30, c'est l'épreuve de sciences au brevet (SVT et technologie). Je ne suis pas de surveillance, mais j'avais des manuels à ranger et à trier donc je suis resté au collège. Et surtout, je savais que les élèves de 3e récupéraient leurs résultats d'affectation post-collège à la sortie de l'épreuve.
Je tenais donc à rester pour ce moment important. Comme à chaque fois, c'est très émouvant. Mais cette fois, c'était vraiment hors norme par rapport à mon vécu des années précédentes.
D'abord, ce n'est que la deuxième année où j'enseigne au niveau 3e donc j'ai peu de recul. Ensuite, c'est ma quatrième année dans le même collège. Et donc, c'est la première cohorte d'élèves que je suis depuis la sixième. Et les réactions des élèves sont à la hauteur.
Au bord des larmes
Nous sommes environ 15 profs, soit bien plus que les simples profs principaux en charge de donner aux élèves leurs résultats. Et c'est un mélange indescriptible : de élèves content⋅es de leurs affectation, et en même temps tristes de quitter le collège. C'est certain : ils et elles vont nous manquer.
Bon, pas tous et toutes, soyons honnêtes. Mais je ne résiste pas à un florilège des choses les plus émouvantes que des élèves nous aient dites. Pas forcément à moi, mais souvent à des collègues qui sont su tisser des liens particuliers avec certaines et certains de nos élèves.
Extraits choisis.
« Monsieur, si vous aviez pas été là pour moi cette année, je serais devenu un délinquant, je serais tombé dans le trafic c'est sûr », de la part d'un élève (passé en conseil de discipline avec exclusion définitive avec sursis), tombant en larmes dans les bras d'un collègue d'EPS, évidemment submergé par l'émotion. Cet élève a été affecté en lycée professionnel après un long et difficile travail sur l'orientation. Son meilleur ami, élève difficile également qui aime jouer au dur : « Voir Malek [ce n'est pas son vrai nom] pleurer, ça me donne envie de pleurer. »
« Madame, vous avez plus cru en moi que moi j'ai cru en moi-même », d'un élève absentéiste à une collègue d'histoire-géographie, avec qui pourtant les interactions en classe étaient parfois difficiles.
« Monsieur, si vous commencez à pleurer, je vais pleurer aussi et normalement je pleure jamais », me dit une élève que j'ai suivi en tutorat pour lutter contre le décrochage scolaire pendant un trimestre. Sa copine : « Vous allez nous manquer », fond en larme elle aussi, et je ne suis pas loin. Les deux élèves reviennent, 10 minutes plus tard : « Monsieur, on peut vous faire un câlin ? ». On est totalement en dehors du cadre, mais après tout est-ce vraiment important ?
Plus simplement, une élève avec avec son plus large sourire : « Merci beaucoup pour cette année, Monsieur. » Et pourtant, les mathématiques étaient vraiment difficiles pour elle. Une autre, la larme à l'œil : « Monsieur, vous vous souvenez en 5e, je balançais des tables en cours de musique ? ». Oui, je m'en souviens : j'étais son prof principal et j'en ai bavé. Elle était à nouveau mes classes cette année avec des progrès et un gain de maturité incroyables, en route vers la 2GT.
Sans parler de ce fameux élève qui met ses doigts dans les prises électriques. Situation scolaire très inquiétante, affecté sur son deuxième vœu. Il récupère son document d'affectation, et hurle « Ça y est, débarrassé du collège ! ». Il n'empêche, 40 minutes plus tard, il était toujours là. Et, évidemment, il est parti sur un grand bras d'honneur.
La CPE, arrivée cette année, et au moins 4 autres enseignant⋅es, submergé⋅es par l'émotion, se laissent aller aux larmes.
La beauté du métier
Alors voilà, le métier de prof est très fatigant, on a souvent l'impression de ramer. Et en éducation prioritaire, tous ces phénomènes sont amplifiés. Je sors à peine la tête de l'eau après 3 semaines de travail acharné : bulletins, conseils de classe, semaine intensive de révisions pour le brevet.
En étant en permanence débordé⋅es et en train de courir après le temps, on oublie parfois à quel point nous sommes important⋅es pour nos élèves, parfois leurs seuls repères adultes fiables. Ces moments intenses nous le rappelles à grands coups de claques émotionnelles.
Alors voilà, bonne continuation à vous. J'espère que je vous ai apporté le maximum et je suis fier d'avoir été votre professeur. Parfois, lors des discussions entre ami⋅es, nous discutons de nos enseignant⋅es et il est certain que nombre d'entre elles et eux nous ont laissé un souvenir ineffaçable.
Quand je vois vos réactions, je me dis que toute cette énergie donnée a servi à quelque chose. Et cela donne envie de continuer ce boulot pour encore longtemps ! Même si, il faut le reconnaître : vous êtes épuisant⋅es !
Revenez nous voir, vous serez toujours bienvenu⋅es.
La suite…
Il n'y a pas de mystère : si les élèves ont de telles réaction, c'est parce que cet établissement, aussi difficile qu'il soit — et il l'est —, est un lieu de vie incroyable.
Comme souvent après les moments importants, cela se termine autour d'un verre entre collègues au bar du quartier. Et une nouvelle idée est née : un voyage scolaire en redonnée vélo. Voilà de quoi occuper mon dernier week-end avant les vacances : je me documente.
Et c'est reparti…
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