jeu. 12 août 2021

Catégorie : Préparations de cours

Tags : Compétences Évaluation Préparation

Le mois d'août est bien entamé. Comme chaque année, je me remets peu à peu au travail. Objectif : préparer la rentrée et mes premières séquences de cours pour l'année scolaire qui arrive. Je n'ai pas travaillé du tout pendant juillet et je me sens d'attaque pour reprendre.

Ma question du jour porte sur les modalités d'évaluation. Il y a un grand débat au sein de l'Éducation nationale. Il porte sur l'articulation entre évaluation chiffrée (avec une échelle de notes, généralement de 0 à 20, format habituel depuis quelques décennies) et évaluation par compétences.

Fonctionnement en 2020-2021

Pendant mes deux premières années dans mon établissement, j'ai évalué de façon entièrement chiffrée. Les compétences travaillées et évaluées étaient évidemment explicitées, et à chaque devoir, évaluation et contrôle, l'élève repartait avec une note. Classique, rien de très innovant.

L'évaluation par compétences…

Les attentes institutionnelles et de nombreuses discussions entre collègues m'ont incité à basculer vers une évaluation par compétences. Concrètement, chaque item évalué (il peut y en avoir beaucoup) donne lieu à un niveau de maîtrise. À la fin, l'élève récupère sa copie avec un tableau listant les compétences évaluées, chacune assortie de son niveau de maîtrise. Il n'y a pas de note sur la copie, puisque chaque compétence est examinée indépendamment.

L'objectif est évidemment d'aider l'élève à identifier les points sur lesquels les notions ne sont pas acquises ou pas suffisamment maîtrisées.

… qui se transforme quand même en note

La difficulté est que pour remplir les bulletins trimestriels, il faut une note chiffrée. Cela tombe à pic : le logiciel utilisé propose de convertir automatiquement les compétences évaluées en notes.

J'ai donc fait le choix, pour cette année de bascule :

  • d'utiliser cette fonction de conversion niveaux de compétences vers note chiffrée ;
  • de ne pas intervenir sur les notes obtenues et de ne même pas les regarder (mon objectif étant de me détacher de la note pour regarder uniquement les compétences) ;
  • de ne pas indiquer la note sur la copie ; les élèves peuvent en prendre connaissance en regardant directement depuis leur espace utilisateur sur le logiciel que nous utilisons.

Bilan de l'opération

Je suis mitigé. La création de grilles de compétences est un vrai apport pour mieux fixer mes objectifs d'apprentissage. Et de toute évidence, c'est un vrai bénéfice pour expliciter les critères d'évaluation. Mais les élèves sont encore très attachés à leurs notes, et j'ai l'impression que l'évaluation des compétences est encore plus subjective qu'une note chiffrée. Sans compter le véritable marasme pour choisir, sur un exercice donné, quelle(s) compétence(s) évaluer ! C'est parfois très difficile car de nombreux exercices peuvent être abordés avec plusieurs stratégies différentes et cibler certaines compétences à évaluer enferme l'élève dans un attendu qui me pose réellement problème.

Je n'ai pas eu l'impression que les élèves aient davantage travaillé qu'avec une évaluation chiffrée ; mais ils ne travaillaient pas moins non plus…

Du point de vue de l'efficacité des corrections de copies, le résultat est sans appel : corriger en évaluant les compétences est nettement plus rapide et transmet beaucoup plus d'informations à l'élève. En effet, ce qui en évaluation chiffrée doit faire l'objet d'un commentaire écrit (par exemple « Les règles de priorités des opérations ne sont pas acquises ») devient simplement un niveau de maîtrise fragile ou insuffisant sur l'item considéré. Cela permet de gagner du temps et de la précision, et donc d'annoter les copies avec des commentaires plus généraux en termes de méthodes, de progrès observés, etc.

Autre aspect, qui devient essentiel en ces temps de catastrophe écologique : les évaluations par compétences, ça consomme du papier. Beaucoup de papier. Et pour cause : chaque évaluation doit être accompagnée d'un tableau imprimé avec les compétences évaluées.

En fin de compte, je suis partagé sur les bénéfices de cette modalité d'évaluation. Comme c'était la première année, je reconduis pour 2021-2022, en essayant de tirer des enseignements de cette première année de test.

Et en 2021-2022 ?

Je vais reconduire ce même mode d'évaluation, en essayant de le rendre plus efficace. Aussi parce que je me dis qu'une seule année de pratique, ce n'est pas suffisant pour se faire une vraie idée.

La taille de la grille de compétences

Il y a des adaptations à faire, et c'est là que je me retrouve bloqué. La première, c'est que la grille de compétences est longue. Vraiment très longue : plus de 70 items en troisième, et plus de 50 en cinquième. C'est donc une grosse usine à gaz. Le problème est que je n'arrive pas à réduire cette grille ; lorsque j'essaye de regrouper des items, ou d'en simplifier certains, je m'aperçois que j'en ai besoin.

Pour celles et ceux que cela intéresserait, voici ma grille de compétences (c'est un tableur).

Donc il est difficile de réduire la grille. Sauf que cela a des conséquences bizarres, par exemple avec certaines compétences qui ne sont évaluées qu'une fois ou deux dans l'année, et d'autres qui sont évaluées plusieurs fois par mois (par exemple, la compétence « Justifier ses réponses »).

Comment évaluer les exercices ouverts ?

Une autre question se pose, avec certains exercices qui peuvent être résolus de multiples façons différentes. Lorsque la grille de compétences est distribuée, elle cible les compétences évaluées. Si une production d'élève propose une solution différente, mais valide, la compétence ne sera pas réalisée. Pourtant, l'élève aura sans nul doute réussi l'exercice, en mettant en œuvre des raisonnements originaux, en faisant preuve d'initiative : bref, exactement ce que l'on attend en mathématiques.

Voilà donc un effet pervers étrange : l'élève faisant preuve d'originalité se retrouverait pénalisé parce que les compétences évaluées ont un effet « carcan » pour le moins détestable ! À l'inverse, avec une évaluation chiffrée, l'élève qui proposerait une solution originale aurait l'essentiel des points à l'exercice, et on peut annoter la copie pour apporter un éclairage sur la méthode attendue.

Or, il s'avère que je donne beaucoup d'exercices ouverts à mes élèves. Vraiment beaucoup. Et pendant toute l'année 2020-2021, cela a été une difficulté. Je pense avoir une idée de solution, mais qui n'est pas satisfaisante non plus…

Mélanger évaluations par compétences et évaluations chiffrées

Pour les petits exercices en classe, les devoirs maison et les interrogations de leçon, c'est facile : on évalue toujours une, deux ou trois compétences au maximum donc le choix des items évalués ne pose pas de problème.

Et c'est très favorable à la progression des élèves, qui identifient plus facilement leurs points faibles et leurs réussite.

Pour ce que j'appelle les contrôles (dans le jargon, on dit évaluation sommative), c'est plus difficile car la liste de compétences peut être longue, une compétence peut être évaluée sur plusieurs exercices différents, et les compétences peuvent s'entrechoquer. J'envisage donc de noter de façon chiffrée pour les évaluations, et par compétences pour le reste…

Pas génial, loin de là, mais cela se défend :

  • pendant la phase d'apprentissage, j'évalue les compétences pour que les élèves sachent où ils en sont, et moi aussi ;
  • lors de l'évaluation sommative, c'est l'heure du bilan : on fait la synthèse et on regarde où l'on en est ;
  • le brevet est lui-même évalué de manière chiffrée.

Pour le niveau cinquième, rester sur du « tout compétences » est viable et je vais essayer de m'y tenir. Mais en troisième, je pense que le mélange compétences/chiffrée est un bon équilibre. Je vais quand même continuer à indiquer les compétences évaluées à titre informatif.

Pourquoi ce n'est pas génial

Déjà, mélanger les modes d'évaluation, cela ne peut pas être parfait. Ensuite, il faut savoir que pour le brevet, seules les évaluations de compétences comptent pour ce que l'on appelle le bilan de fin de cycle. Cela voudrait dire que les évaluations sommatives seraient amenées à ne pas compter pour le brevet, ce qui est absurde…

Il faut encore que je réfléchisse à ce point. Mais l'évaluation est un sujet épineux, et je dois l'admettre, plutôt pénible. Je passe un temps considérable à me demander comment évaluer, si telle évaluation est pertinente, comment diminuer la part de subjectivité, comment lutter contre la constante macabre. Cela fait beaucoup de temps dépensé, beaucoup d'énergie, de débats entre collègues et de nœuds dans le cerveau… Tout ça pour au final évaluer des travaux. Alors que tout ce temps aurait pu être utilisé pour concevoir des exercices, inventer des activités ou étudier la didactique.

Comme si les profs (et les élèves !) avaient sans arrêt besoin d'évaluations gravées dans le marbre pour connaître les points forts, les difficultés et les points faibles de leurs classes. Lorsque je suis devant mes élèves, rapidement je les connais, et il n'est pas besoin d'évaluations, chiffrées ou par compétences, pour le savoir. Et, j'en suis persuadé, les élèves aussi ont conscience de leurs réussites et de leurs échecs, il n'est pas besoin de leur mettre sous le nez sans arrêt ! Nous serions toutes et tous plus sereines et sereins avec davantage de place mis à l'intelligence, au plaisir d'apprendre à l'accumulation de savoir, plutôt qu'à des questionnements, doutes et même parfois inquiétudes, relatifs à l'évaluation.



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