Un briquet, un aérosol, et un CD
Début décembre, un élève de troisième pendant un cours. Son professeur aperçoit un éclair de lumière et s'approche pour identifier son origine. L'élève vient s'allumer un briquet et de pulvériser sur la flamme un aérosol.
Quelques jours plus tard, après avoir reçu l'élève qui reconnaît les faits, le chef d'établissement décide de réunir le conseil de discipline (CD en abrégé) pour mise en danger de la communauté éducative. Le CD est donc réuni le 16 décembre, et voilà un récit de ce qui s'y est passé.
La constitution du conseil
La constitution du conseil de discipline est fixée par la règlementation. Les membres sont le chef d'établissement, son adjoint, son adjoint gestionnaire, un CPE (conseiller principal d'éducation), des représentants des parents d'élèves, des représentants des enseignants et des représentants des élèves. Toutes ces personnes assistent au conseil et votent à bulletin secret pour statuer sur une éventuelle sanction, pouvant aller jusqu'à l'exclusion définitive de l'établissement.
En vue d'éclairer sa décision, le conseil de discipline peut écouter toute personne non-membre : professeurs principaux, membres de l'équipe pédagogique, infirmier, assistants sociaux, et évidemment témoins de l'incident qui a motivé la réunion du conseil. Tous ces membres assistent au conseil et peuvent s'exprimer pour apporter un éclairage, mais n'assistent pas à la délibération des membres et ne participent pas au vote pour l'application d'une sanction. Naturellement, l'élève, ses représentants légaux éventuellement accompagnés d'un avocat assistent au conseil mais ne sont pas présents lors de la délibération.
La décision du CD (conseil de discipline) est notifiée aux intéressés immédiatement après la délibération et est à application immédiate. Ce qui signifie qu'en cas d'exclusion définitive sans sursis, l'élève n'est plus inscrit dans l'établissement dès la notification.
Et hier, j'y étais
Trois conseils de disciplines étaient convoqués, concernant trois élèves pour trois incidents indépendants. Pour ceux qui se poseraient la question : oui, trois CD d'affilée, c'est beaucoup ; et il y en a déjà eu quatre il y a moins d'un mois. En tant que suppléant d'une collègue élue qui ne pouvait pas se libérer, j'ai été membre de l'un des trois conseils. Récit.
Le conseil se réunit, et l'élève arrive. Seul. Sa maman n'a pas pu se libérer pour venir. Le chef d'établissement expose les faits qui ont conduit l'élève à être convoqué ici. Le jeune homme a pulvérisé, dans une salle de cours, un aérosol sur la flamme d'un briquet. Le conseil commence par un exposé du professeur principal, invité, pour résumer la scolarité de l'élève. Un élève en difficultés scolaires, qui semble fournir un travail très superficiel, mais qui ne pose pas de problèmes particuliers en termes de discipline.
On en vient à l'incident. Pourquoi a-t-il fait cela ? « J'ai vu une vidéo sur Internet, ça m'a donné envie d'essayer, pour faire une expérience », nous répond-il. Avait-il conscience du risque encouru ? Visiblement non, il affirme en avoir pris conscience a posteriori. Et ce briquet, où l'a-t-il trouvé ?
Le discours est un peu confus : les circonstances précises et l'ordre des événements (obtention du briquet, visionnage de la vidéo, idée de tenter l'expérience, choix du lieu et du moment) se mélangent dans le discours de l'élève. Nous en revenons à la scolarité et aux projets de l'élève.
Il travaille un projet d'orientation et veut faire de la mécanique. S'est-il renseigné sur les formations existantes ? « Non, pas encore. » A-t-il sollicité un rendez-vous avec la conseillère d'orientation du collège ? « Non, je ne sais pas où prendre rendez-vous ? » A-t-il trouvé un stage d'observation en rapport avec la mécanique ? « Non, je n'ai pas trouvé de stage, j'attends des réponses. » Sauf que les autres élèves sont en stage depuis ce matin. Aïe.
Délibération et décision
La phase de délibération est soumise au secret. Je n'en parlerai pas ici. La décision a été exclusion définitive avec sursis. Le sursis se justifie par l'absence d'antécédents. L'élève va donc continuer sa scolarité dans le collège. Mais une question demeure : a-t-il pris conscience de la gravité et de la dangerosité de ce qu'il a fait ?
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