Un nouveau départ : direction l'université
Si vous avez l'habitude de suivre ce blog, vous avez peut-être constaté un changement de décor. J'ai en effet changé de technologie pour héberger mes articles. Jusqu'à maintenant, le blog était basé sur Wordpress.
Mais Wordpress, c'est lourd, pénible à maintenir à jour et compte tenu du nombre de visites que j'ai, c'est excessif. L'interface d'écriture n'est pas très ergonomique, il y a un côté usine à gaz. J'ai donc migré sur un format de site statique, Pelican. Je passe sur les détails techniques, la seule chose à savoir est qu'il n'y a plus de section « Commentaires » sous les articles. Il reste évidemment possible de réagir aux articles, j'explique comment un peu plus bas.
Ce n'est pas un hasard si j'effectue cette migration début 2024 (bon OK on est déjà en mars, mais j'ai commencé à préparer la migration en janvier) : il y a une dimension symbolique. Ce blog est, depuis le début, et même si je ne publie pas très fréquemment, le lieu où je mets par écrit les choses importantes pour moi dans mon vécu de prof. Il m'aide à réfléchir, à analyser des situations de classe ou à concevoir mes activités. Il y a tant d'articles que j'avais en tête mais que je n'ai jamais écrits, par manque de temps, d'énergie… de cran ou de courage aussi, parfois. Surtout pour les sujets les plus politiques ou liés à l'orientation que prend l'Éducation nationale.
Le changement de décor sur ce blog coïncide avec un moment important dans ma carrière d'enseignant. À compter de la rentrée prochaine, je quitte le collège et même l'enseignement secondaire et je prends un poste dans l'enseignement supérieur !
Un nouveau décor pour une nouvelle vie
J'ai en effet été recruté comme PRAG à l'IUT de Créteil-Vitry, dans le département informatique. Il s'agit d'un poste à temps plein, donc je quitte réellement le second degré.
Depuis que j'ai rejoint l'Éducation nationale, j'ai toujours eu pour projet d'enseigner un jour dans l'enseignement post-bac. Je n'avais pas d'objectif en termes de dates, mais il s'avère qu'il y avait cette année un poste qui m'intéressait beaucoup et pour lequel je pensais avoir le profil ; j'ai donc candidaté, et j'ai été retenu.
Je suis évidemment très content, un peu stressé… mais aussi très ému. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai mis beaucoup de temps avant de publier cet article : j'ai mis plusieurs semaines à digérer et assimiler la nouvelle.
La vie d'un prof en collège, surtout dans un collège difficile comme celui où je suis, est remplie de paradoxes. Et la tristesse de partir se mélange au plaisir de ce nouveau départ.
C'est aussi l'occasion d'un bilan un peu nostalgique.
Un premier bilan
L'année scolaire 2023-2024 n'est pas terminée, mais je commence déjà à me projeter, progressivement, vers la fin de l'année. Et c'est une certitude, le collège me manquera. L'année actuelle est quand même ma sixième année scolaire dans ce bahut, j'y ai été affecté en tant que titulaire et c'était mon premier poste.
Lorsque j'ai commencé, j'avais à peine 25 ans, tout jeune évidemment inexpérimenté. Je le suis toujours, bien sûr, mais pas autant. Travailler dans un collège en éducation prioritaire, c'est une expérience intense, tout y est très rapide. On est rapidement un « ancien » dans l'équipe pédagogique. La charge émotionnelle y est toujours énorme.
Avant tout, les élèves
Ce qui me manquera le plus, ce sont les élèves bien sûr. Mais aussi l'environnement de travail. Il est très difficile de décrire à quel point un collège, c'est aussi un lieu de vie pour toutes les personnes qui s'y trouvent, tant les adultes que les élèves. Il y a un nombre de projets absolument exceptionnel qui naissent, plusieurs fois par semaine. Encore aujourd'hui, lorsque j'essaye de mettre à l'écrit ce que j'ai dans la tête en termes de vécu professionnel, tout se bouscule. Alors je me contente de vivre à fond toutes les émotions qui arrivent.
Travailler en REP, c'est aussi devoir toujours réinventer ses cours, monter de nouveaux projets, accompagner les élèves en difficultés. Avec des moments très touchants — je me rappellerai pendant encore très longtemps de cet après-midi — et aussi parfois très difficiles. Un collège, c'est un lieu effervescent, et y a l'impression d'y être sous perfusion permanente d'adrénaline. Addictif… mais épuisant !
Les collègues
Autre chose qui va me manquer, au quotidien : les collègues. L'ambiance qui existe au sein de l'équipe du collège est exceptionnelle. C'est lié à la difficulté du métier et à la difficulté du public, mais aussi à la sociologie des collègues en poste. Dans l'académie de Créteil, et en particulier en éducation prioritaire, il y a beaucoup de jeunes profs, dont c'est le premier poste — exactement mon cas quand j'ai été affecté ! Par conséquent, la majorité des personnes ont entre 25 et 40 ans, une partie non négligeable arrive de province. Il est donc logique que l'ambiance y soit détendue, voire festive.
Par ailleurs, et c'est à ma connaissance assez rare dans la plupart des métiers : quand on est prof, on travaille en équipe de manière rapprochée avec beaucoup d'autres personnes. Tous les autres profs, ce qui représente déjà plus de 35 personnes, mais aussi les CPE, les personnel⋅les de direction ou administratifs. Et ça fait du monde, une vraie fourmilière.
Je ne compte plus les verres en terrasse, juste derrière le collège, après un vendredi difficile. Je ne compte plus non plus les soirées improvisées, mémorables, où on passe en revue nos semaines, à mi-chemin entre l'émerveillement et l'épuisement. Mais aussi les « plannings de gâteaux », parce qu'il n'est quand même pas envisageable de passer un jour sans partager à grignoter pendant la pause à 10 h, ou au dessert. Ça me manquera, de ne plus trouver un reste de viennoise au chocolat en passant en salle des profs.
Au-delà de la camaraderie, il y a aussi le travail en équipe, à la fois pour monter des projets, mais aussi au quotidien pour gérer les situations d'élèves. Des réunions de toutes sortes : commissions éducatives, préparation des frises sur Système solaire, la classe vélo, les escape games, réunions parents-profs (suivies d'un restau évidemment !), etc.
Parmi les collègues, plusieurs sont devenu⋅es des ami⋅es très proches, et c'est certain que vous allez me manquer. Mais je sais qu'on continuera à se voir souvent, et à partir en vacances ensemble. Parce que la dream team love pizza n'a pas dit son dernier mot ! Je préserve l'anonymat de toute le monde, mais j'ai quand même plein de noms en tête. Notamment une collègues d'histoire-géographie, avec qui j'ai été co-professeur principal d'une classe de 5e difficile l'année de mon arrivée, et qui m'a pris sous son aile : un immense merci à toi. Je ne serais pas le professeur que je suis aujourd'hui si tu n'avais pas été là.
Avec vous tous, avec vous toutes, j'ai partagé des moments exceptionnels, qui m'ont marqué pour une longue durée. On a encore 4 mois à travailler ensemble, je sais qu'on va encore faire des choses géniales. Et comme je le dis souvent, nous sommes un peu des héros et héroïnes du quotidien.
La didactique
Autre chose qui me manquera, même s'il y a moins d'émotion : les questionnements didactiques. Préparer un cours, une séquence, c'est passionnant et difficile. Je me doute qu'en IUT, ce genre de questions persiste. Mais en collège, il y a tous les enjeux liés à l'adolescence et au type de public.
Les longues discussions entre collègues de maths sur le rôle de la virgule dans le système décimal, l'harmonisation des attentes avec les profs de sciences, comment, comment réussir à expliquer correctement le théorème de Thalès et son lien avec la trigonométrie. J'ai appris énormément de choses en pédagogie, mais aussi en épistémologie, et même en mathématiques grâce à tous ces questionnements et au nombreux stages que j'ai suivis.
Et l'année prochaine, alors ?
Évidemment, je commence aussi à me projeter sur l'année prochaine. Pour le moment, je sais assez peu de choses sur les détails mon poste. J'ai quand même rencontré une partie de l'équipe, et en termes de taille et de fonctionnement c'est radicalement différent. De fait, il y a actuellement six profs permanents sur l'ensemble de l'IUT — en comparaison avec les plus de 35 profs au collège, l'écart est considérable ! Je sais également que je serai surtout amené à intervenir sur des enseignements d'informatique, et un peu moins sur les maths.
J'essaierai de rédiger prochainement un article plus détaillé sur les informations que j'ai actuellement : une sorte « chronique d'un prof de maths qui change de poste ». Mais pour le moment, je retourne à l'année scolaire courante. Je dois finir de corriger un paquet de copies, et de préparer une mini-intervention sur les nombres décimaux pour un partage d'expérience à destination des collègues de primaire et de maternelle.
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